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by Jerome a Paris
Sat Feb 16th, 2008 at 09:16:06 AM EST
Le texte ci-dessous (colonne de droite) est une adaptation d'un essai initialement rédigé en anglais et reproduit ci-dessous (colonne de gauche). Il s'agit d'une tentative de synthèse d'un certain nombre de discussions menées au cours des derniers mois pour tenter d'éclaircir la génese de la crise financière en cours. Les liens vers ces discussions (qui sont essentiellement en anglais) est en bas de ce texte. Ce texte est dans la lignée de l'article Non, la France n'est pas en déclin et n'a pas besoin de "réformes" écrit avec John Evans (afew) et publié dans le Monde daté du 11 septembre 2007.
In the 70s, the Economist coined the label "Dutch Disease" to describe the economic travails of the Netherlands as the country's export-oriented industrial sector struggled with the increased exchange rates caused by the rapid growth in gas exports that followed the discovery and development of the massive Groningen field. The extractive sector was so profitable that it captured a large share of new investment, and its export volume was large enough to alter the trade balance and boost the currency, further rendering other activities less attractive. | | Dans les années 1970, le magazine The Economist inventa le terme de "Dutch Disease" pour décrire le malaise économique qui avait frappé les Pays-Bas après la mise en production du champ gazier géant de Groningue Le secteur gazier était tellement rentable qu'il avait accaparé une grande part de l'investissement domestique, et : l'augmentation rapide des exportations de gaz avait conduit à une appréciation de la monnaie nationale, et à une perte de compétitivité pour les autres industries exportatrices du pays. |
Today, we can observe a similar phenomenon on a large scale around the financial industry, whose high profitability for many years has also caused weakness for other sectors of the economy. As this has developed around the money centers in New York and, in an even more concentrated way, London, I would propose to label this the "Anglo Disease."
While the Dutch managed to avoid the "oil curse" that has struck many oil exporting countries, I will also argue that the Anglo Disease carries its own curse, whose early symptoms are reflected in the current financial crisis. | | Aujourd'hui, on peut considérer qu'un phénomène similaire est apparu autour du secteur financier, dont la très grande profitabilité ces dernières années a affaibli de manière symétrique les autres activités économiques. Comme ce secteur est très concentré autour des capitales financières que sont Londres et New York, nous proposons de nommer ce qui se passe aujourd'hui l'"Anglo Disease." Et tandis que les néerlandais ont au moins réussi à éviter la "malédiction de l'or noir" qui a frappé de nombreux pays exprtateurs de pétrole, il devient apparent que l'Anglo Disease est également porteuse de malédiction économique, dont les premier symptômes sont visibles aujourd'hui dans la crise financière en cours. |
The dominance of the financial world can be readily seen in the growth of the share of financial firms in total corporate profits (from below 20% in the 70s to above 40% today), in the capture by the richest few - most of them directly working in the financial industry, or benefitting from financial investments - of a large chunk of the net growth in total incomes, and by the concentration of foreign investment in the UK in mono-activity London.
Financiers, with their ability to monetize today future revenue streams, are able to generate instant profits which can be captured by them and, to a lesser extent, their clients and employers. That capacity to create apparent wealth out of thin air cannot be matched by any other sector in the economy, and sucks in talent, resources and money. Meanwhile, the investors that have made those immediate profits possible will want to ensure that the future flows that underpin them do materialise, and will impose their rules and discipline on the underlying economic activity. | | La domination de la finance sur l'activité économique peut être constatée à travers la croissance de la part des profits des entreprises financières dans le montnat total des profits des entreprises (de moins de 20% dans les années 1970 à plus de 40% aujourd'hui aux Etats-Unis). Un autre indice est la capture par une infime minorité, très largement dominée par des investisseurs financiers ou des banquiers, d'une part croissante des revenus générés par l'économie. On peut également noter la concentration de l'investissement étranger au Royaume-Uni à Londres et en particulier dans la City.
Les financiers, qui ont la capacité, via la dette, de matérialiser aujourd'hui les flux de revenus futurs, peuvent ainsi dégager des profits immédiats qui enrichissent certes leurs clients et leur semployeurs, mais en priorité eux mêmes. Cette possibilité de générer des profits instantanés n'existe dans aucun autre secteur d'activité et attire talents, investissements et soutiens politiques. Par ailleurs, les prêteurs ayant permis à ces profits d'exister vont vouloir s'assurer que les profits sous-jacents futurs qui justifient leur investissement se matérialisent effectivement, et vont donc imposer leur discipline et leurs conditions aux activités économiques concernées. |
Thus the financial world imposes its unrelenting focus on profits and shareholder value on all economic activities; the domination of "return on capital" criteria ensures that many activities outside finance are in decline, as they struggle to reach the required returns on potential investments. Financial analysis sees labor as a cost, reducing profits, and pushes for its reduction, either via outsourcing, offsorisation or wage stagnation. Similarly, government regulations are seen as restrictions on profit to be fought and eliminated, as, naturally, taxes.
To boost domestic demand in the face of flat incomes, debt has been pushed on households as the way to keep on increasing their spending, to the further benefit of the industry that provides the loans. The combination of expansionist monetary policies in the West and mercantilist policies in China has made it possible to find the holy grail of no inflation and rapid asset price increases, thus generating massive (and increasingly less taxed) corporate profits. The reality was, of course, that of huge global imbalances and a massive bubble, but for the longest time it looked like perfect growth, further validating the policies that underpinned it. | | De ce fait, le monde financier impose son obsession exclusive et permanente pour les profits et la "shareholder value" à toutes les autres activités; la loi de fer du critère de retour sur investissement impose le déclin à un certain nombre d'activités non-financières qui peinent à atteindre cet objectif. L'analyse financière voit la force de travail exclusivement come un coût qui réduit les profits, et pousse donc à sa réduction, soit par l'outsourcing, les délocalisations ou le déclin relatif ou absolu des salaires. De même, toute réglementation publique est vue comme une entrave à la capacité de générer des profits et est donc combattue jusqu'à son élimination. Les impôts et taxes entrent naturellement dans cette catégorie.
Pour soutenir la demande intérieure dans ce contexte de stagnation des revenus, la solution naturelle est d'encourager les ménages à s'endetter pour maintenir leur niveau de vie, ce qui renforce évidemment l'industrie qui fournit les prêts. La combinaison de politiques monétaires laxistes à l'Ouest de politiques de change mercantilistes en Asie ont permis d'atteindre pendant un long moment l'apparence d'un idéal économique: pas d'inflation grâce à la pression sur les prix de la Chine, une forte croissance de la valeur des actifs (financiers et immobiliers) de tous, des profits records, et de moins en moins imposés, pour les entreprises, et des chiffres de croissance flatteurs. La réalité a malheureusement été celle d'une bulle financière, avec des déséquilibres internationaux grandissants et une concentration grandissante des patrimoines, mais celle-ci a pu longtemps être masquée par l'apparence d'un grand dynamisme économique, qui a été utilisé pour légitimer ce modèle de capitalisme financier sans restreinte, orienter les politiques économiques en sa faveur, et assurer sa domination totale sur le discours économique ambiant. |
The model of financial capitalism is thus all-encompassing, not only grabbing an increasing share of the economic pie, but also dominating all politicial and economic discourse.
The reality, unfortunately, is that a massive inequality, declining or stagnant living standards for the majority, which spend more than they earn, and, as a consequence, a massive bill pushed out into the future. Well, that future is now, and the imbalances will only be unwound if incomes match spending, which can happen via lower spending or via higher incomes.
In the financial capitalism model, incomes are a cost and should not increase; if that logic prevails - if the Anglo Disease is not cured from our body politic - spending will crash and a recession is not only inevitable but likely to be very painful, as the real economy slows down brutally, and the financial bets that ride it suddenly look highly unreasonable, and turn into losses (as is happening already in the subprime sector). | | Pourtant, la réalité de ces économies est une inégalité croissante, avec une stagnation voire un déclin du niveau de vie réel d'une majorité de la population, qui dépense plus qu'lle ne gagne, et qui repousse la note dans le futur. Mais ce futur est maintenant arrivé, et les déséquilibres qui doivent se résorber ne peuvent l'être que si les revenus rattrapent les dépenses, ce qui implique soit une baisse de la consommation ou une augmentation des salaires.
Pour le capitalisme financier, les salaires sont un coût et ne doivent donc pas augmenter; si cette logique l'emporte - si l'Anglo disease n'est pas soignée - la consommation s'effondrera et une récession est non seulement inévitable mais sera particulièrement douloureuse. L'ensemble des paris financiers sur les profits futurs apparaîtront soudain déraisonnables et se transformeront en pertes réelles, les revenus non existants ayant déjà été dépensés. C'est ce que l'on voit dans la crise des subprime. |
If, to the contrary, policies are focused on propping incomes for the poor and the middle classes rather than profits, on investing in the real economy rather than in monetising its existing activities (for instance via plans to boost energy efficiency in the household sector and renewable energies), on taxing today's wealthy rather than tomorrow's citizens, then there is a chance to limit the crash.
Just like the Dutch disease was caused by a new sector providing temporary windfalls, the Anglo disease was made possible by the combination of technological progress in the financial world, the long bond bull market created by Volcker's successful fight against inflation and the successful promotion of the ideology of greed by the right (with the timely fall of the Berlin Wall providing an additional boost by discrediting the other extreme of the ideological spectrum). The great middle classes created by the keynesian policies of the New Deal have now been exploited for the past 30 years, and they are depleted. The economy will need to find another, more real, way to grow and prosper. | | Si, au contraire, les politiques économiques privilégient les revenus du travail plutôt que les profits, les classes moyennes et inférieurs plutôt que les 0.1% les plus riches, l'investissement productif plutôt que la capture de revenus futurs d'activités existantes (par exemple, à travers un plan visant à développer les économies d'énergie dans le bâtiment ou les énergies renouvelables à grande échelle), ou l'imposition des riches aujourd'hui plutôt que celle de nos enfants demain, il est possible de limiter le crash.
Tout comme la "Dutch Disease" fut créée par un nouveau secteur qui amène des surprofits temporaires, l'Anglo Disease a été rendue possible par la coincidence de progrès technologique dans le traitement des flux financiers, du long marché haussier créé par la victoire, via des taux d'intérêts extrêmement élevés imposés par Paul Volcker, sur l'inflation des années 70 et du renouveau idéologique de la droite avec Reagan et Thatcher. L'éloge de l'égoïsme au nom de la liberté, renforcé à point nommé par la chute du mur de Berlin qui a décrédibilisé l'autre extrême idéologique, a permis d'engager la lente capture au profit d'une infime minorité de la prospérité des classes moyennes créée par les 30 années de politiques keynésiennes à partir du New Deal. Mais ces classes moyennes sont maintenant exsangues, et il va falloir trouver une nouvelle voie pour assurer un réel progrès économique pour tous.
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Discussions antérieures sur l' "Anglo Disease":
- Martin Wolf edges ever closer to the 'Anglo Disease' concept by Jerome a Paris on February 6th, 2008
- Anglo Disease - a summary by Jerome a Paris on February 3rd, 2008
- Tiptoeing around the Anglo Disease by Jerome a Paris on January 26th, 2008
- La Vie Londonienne by afew on January 23rd, 2008
- The Next Domino by Jerome a Paris on January 21st, 2008
- LQD: Anglo Disease: Another Symptom? by ChrisCook on January 16th, 2008
- Anglo Disease - symptoms of failure by Jerome a Paris on January 14th, 2008
- Anglo Disease - Wall St's solution: the Bush way by Jerome a Paris on January 3rd, 2008
- The FT worries about the Anglo Disease by Jerome a Paris on December 10th, 2007
- Anglo Disease: Optimism and Dismay in the Narrative by Jerome a Paris on December 8th, 2007
- Rewriting economic history by Jerome a Paris on December 3rd, 2007
- Anglo Disease: LQD - the Economist is worried by Jerome a Paris on December 1st, 2007
- Anglo Disease - early signs of hangover generate denial by Jerome a Paris on November 22nd, 2007
- Anglo Disease: Dollar Dump & Boom-n-Bust by Jerome a Paris on October 30th, 2007
- Anglo Disease: hangover in Manhattan by Migeru on October 15th, 2007
- Anglo Disease fever by Jerome a Paris on August 28th, 2007
- Anglo Disease - Fools and Bourses by ChrisCook on July 9th, 2007
- Anglo Disease watch (5) - just break the thermometer and all is well by Jerome a Paris on July 5th, 2007
- Anglo Disease watch (4) - No industry is vital - except finance by Jerome a Paris on July 4th, 2007
- The Anglo Disease (3) - an introduction for non-economists by Jerome a Paris on June 24th, 2007
- Anglo-Disease Sidelights (1): UK = Tax Haven by afew on June 22nd, 2007
- Anglo Disease (2) - Martin Wolf's take by Jerome a Paris on June 19th, 2007
- The Anglo Disease - Financiers worried about end of great bull run by Jerome a Paris on June 18th, 2007
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