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Welcome to European Tribune. It's gone a bit quiet around here these days, but it's still going.
by marco
Tue Feb 16th, 2010 at 09:13:42 AM EST
and the belief that all mothers must breast-feed reduces women to the status of an animal species.*
 | Or so says philosopher and author Élisabeth Badinter in an interview in Libération last week. Sort of.
The French Wikipedia entry on her cites her profession as "femme de lettres et philosophe féministe". But what is more relevant to me is that she has three children. I am curious if they took her prisoner, too, when they were babies, or if being an old school "humaniste rationaliste", she was able to dodge that fate. |
*A swedish kind of death in his comment below is correct: In hastily writing up this introduction, I was not fair to Badinter, so I added the phrase the belief that all mothers must breast-feed in the first sentence above.
Elisabeth Badinter: «Le modèle de la mère parfaite, un retour en arrière» - Libération (10/02/2010) | | Elisabeth Badinter: "The model of the perfect mother is a step backwards" - Libération (2010 February 10) | «La femme réduite au chimpanzé» Dans son livre à paraître vendredi, Elisabeth Badinter dénonce une offensive réactionnaire faisant de la maternité le Saint-Graal de la femme. | | "Woman reduced to a chimpanzee" In a book to be released Friday, Elisabeth Badinter condemns a reactionary offensive that makes motherhood the Holy Grail of being a woman. | Elle parle de «guerre idéologique souterraine», de «retour en force du naturalisme», de «culpabilisation des mères». Pour avoir observé les femmes autour d'elle, scruté les pratiques de la prosélyte Leche League (1) engagée dans une «bataille du lait», épluché les recommandations de certains pédiatres et des théoriciens de «l'instinct maternel», décortiqué le féminisme, Elisabeth Badinter décrit l'émergence d'un nouveau modèle, qui fait de la maternité le coeur de l'identité féminine. Dans son dernier opus intitulé le Conflit, la Femme et la Mère qui paraîtra vendredi chez Flammarion et fait déjà polémique, la philosophe analyse cette menace. Le livre est dédié à «Robert». | | She talks of an "underground ideological war", of the "strong resurgence of naturalism", of "guilting mothers". Having observed women around her, investigated the practices of Leche League (1) converts engaged in a "milk conflict", dissected the recommendations of certain pediatricians and "maternal instinct" theorists, and peeled feminism open, Elisabeth Badinter describes the emergence of a new model which makes motherhood the core of a new feminine identity. The philosopher analyzes this threat in her latest work titled Le Conflit, la femme et la mère (Conflict, Woman and Mother) which will be released Friday by Flammarion and has already generated controversy. The book is dedicated to "Robert". | Qu'est-ce que la «bonne mère» aujourd'hui ? C'est une mère qui revient aux fondamentaux. Elle allaite pendant six mois, ne met pas son bébé à la crèche ou pas trop tôt, parce qu'un bébé a besoin d'être avec sa mère et non dans un nid à microbes, elle se méfie de ce qui est artificiel et a des préoccupations écolo. Le petit pot est devenu un signe d'égoïsme, on revient à la purée écrasée par maman. Une bonne mère est constamment à l'écoute doit veiller au bien-être physique et psychologique de l'enfant ; c'est un full time job. J'oublie de dire que comme elle allaite à la demande, il est recommandé de mettre le bébé dans le lit conjugal. Cela nie l'intimité des adultes et exclut le père. | | What is a "good mother" today? She's one who goes back to the fundamentals. She breast-feeds for six months; she doesn't put her baby in a day-care center because a baby needs to be with her mother and not in a nest of germs; she doesn't trust anything artificial and worries about the environment. For her, jarred baby food is a sign of selfishness: we're back to Mommy's mashed purée. A good mother is always there to listen, must watch over the child's physical and psychological well-being; it's a full-time job. I forgot to add, since she breast-feeds on demand, she's supposed to let the baby sleep in the conjugal bed, which quashes intimacy for the parents and freezes out the father. | Il y a aussi un regret à voir la femme quitter son foyer, sa place naturelle est à la maison. On comprend qu'elle doit aller travailler, mais il faut qu'elle se débrouille pour être là quand les enfants arrivent de l'école. La «bonne maternité» impose des nouveaux devoirs qui pèsent sur celles qui ne les suivent pas. C'est une représentation à rebours du modèle qu'on a poursuivi jusqu'à présent, qui rend impossible l'égalité des sexes et malvenue la liberté des femmes. C'est un retour en arrière. Les femmes vont-elles se laisser convaincre de réendosser ce modèle-là ? | | It has also become objectionable for the woman leaves the home, which is her natural place. We understand if she has to go work, but she has to arrange things so that she is there when the children come back from school. "Good mothering" imposes new obligations on those women that burden those who do not follow them. It's a rearward movement from the model that we've been pursuing up till now, and it makes equality between the sexes and freedom for women impossible. It's a step backwards. Are women going to let themselves be convinced to undertake that ideal again? | Quelle «révolution silencieuse» s'est passée sous nos yeux ces trente dernières années? La crise économique a rendu le travail plus dur, plus précaire, plus stressant. Les femmes sont les premières touchées : elles ont fait des études, cherchent du travail, sont sous-payées et jetables comme des Kleenex. C'est l'origine du bouleversement. Dans les années 90, la droite a proposé une allocation maternelle qui a renvoyé les femmes à la maison avec comme seul potage un demi-Smic. En même temps, on a assisté à la remise en cause du consumérisme. L'idée s'est imposée qu'on faisait fausse route dans la course aux ambitions inutiles et qu'une autre vie, plus conforme à la nature, était possible. Beaucoup de femmes ont été sensibles à ce discours. Et se sont dit : «Et si je prenais comme objectif de m'occuper de mon petit enfant, bref, d'être la mère idéale ?» Cela s'accompagne d'une critique générale du progrès scientifique, de la science «vendue à l'industrie». On s'est également précipité pour instaurer un principe de précaution. Tout cela a engendré de nouveaux comportements, de nouvelles peurs, propices à un retour aux fondamentaux. | | What is the "silent revolution" that has been happening under our eyes these past thirty years? The economic crisis has made work harder, more unreliable, and more stressful. Women are the first ones affected: they get an education, look for work, are underpaid and get thrown away like Kleenex. That's the starting point of the upheaval. In the 90's, the right proposed maternal benefits that brought women back home with the equivalent of half the minimum wage as their sole compensation. At the same time, consumerism is looked upon more critically. The notion has taken hold that we've been on a blind path in race towards pointless ambitions, and that another life, more compatible with nature, is possible. Many women have been receptive to this view. And so they asked themselves, "What if I made it my [primary] goal to take care of my little child, in short, to be the perfect mother?" Along with this goes an overall criticism of scientific progress, of science "sold to industry". Everyone is suddenly so cautious about everything. All this has created new behaviors, new fears, that lead to a return to fundamentals. | Selon vous, ce contexte a favorisé l'idéologie de la nécessité de l'allaitement maternel. On est passé de : «Vous avez le droit» d'allaiter, à «Vous devez». Les pressions d'ordre moral ont remplacé un choix légitime, sous la houlette de la Leche League. Je pense que la philosophie naturaliste au nom de laquelle on impose cela est dangereuse. Car elle ne laisse plus de place à l'ambivalence maternelle. Elle impose une conception unifiée des femmes. Nous pouvons toutes, nous devons toutes faire la même chose. C'est une réduction de la femme au statut d'une espèce animale, comme si nous étions toutes des femelles chimpanzés. Puisque c'est la nature qui l'impose : nous avons les mêmes réactions, les mêmes devoirs. La liberté de dire non est évacuée. Pour la Leche League il n'y a pas de prétexte recevable pour refuser d'allaiter, il faut persister. Il n'y a jamais aucun motif de dire non. | | According to you, this mood has encouraged the belief that mothers must breast-feed their children. We've gone from, "You have the right to breast-feed," to, "You have to do it." A mother's legitimate choice has been supplanted by moralistic pressures led promoted by La Leche League. I think the naturalist philosophy in whose name this has been imposed is dangerous. For it leaves no room for diversity in mothering. It forces a monolithic conceptualization of women. We all can do the same thing, we all must do the same thing. It reduces women to the status of an animal species, as if we were all female chimpanzees. Since that is nature's order: we have the same reflexes, the same duties. The freedom to say no is gone. For La Leche League, there is no acceptable excuse for refusing to breast-feed, you just have to go through with it. There are never grounds to say no. | Vous écrivez : «dans une civilisation où le moi d'abord est érigé en principe, la maternité est un défi, voire une contradiction»... C'est une situation schizophrénique. Ces trente dernières années, on a assisté à une montée de l'individualisme, de l'hédonisme, du moi d'abord. Cela rentre en contradiction avec l'impératif de plus en plus lourd qui est de faire passer l'enfant d'abord : depuis que les femmes bénéficient de la contraception, on doit tout à l'enfant qui n'a pas demandé à naître, comme allaiter à la demande. Sous-entendu celles qui ne le font pas sont coupables, égoïstes. De la montée de l'individualisme et de l'accroissement des devoirs maternels naît ce conflit interne à chaque femme et qui a aussi des conséquences sociales fantastiques. Car les sociétés oublient que les femmes possèdent une petite bombe atomique : celle de ne pas faire d'enfant. En Allemagne, Italie, Espagne, quand la société fait peser sur les épaules de la femme tout le poids de la maternité sans l'aider, les femmes font moins d'enfants ou pas du tout. | | You write: "in a civilization where Me first is established as a principle, motherhood is a challenge, a contradiction even"... It's a schizophrenic situation. These last thirty years, we have seen an increase in individualism, of hedonism, of Me first. This runs into conflict with an ever heavier demand to put the child first: eversince contraception has been available to women, we have to give everything to the child who never asked to be born, such as breast-feeding on demand. It goes without saying that those who don't are guilty, selfish. Between the rise in individualism and the increase in maternal duties, an internal conflict has emerged in each woman, with enormous social consequences. For society forgets that women possess a little atomic bomb: that of not having children. In Germany, Italy, Spain, when society forces a woman to bear the entire burden of being a mother without helping her, women have fewer children or none at all. | Selon vous, une «offensive naturaliste» est menée par une «sainte alliance des réactionnaires». Laquelle ? Il y a une coagulation de l'écologie, de la Leche League, du féminisme naturaliste et du discours des spécialistes du comportement qui s'appuient les uns sur les autres. Le plus intéressant est de voir comment les militantes de la Leche League et les féministes différentialistes se sont retrouvées pour revaloriser la maternité, et en faire le coeur de l'identité féminine. Ces féministes veulent construire une société plus apaisée grâce aux vertus maternelles, dont les valeurs sont opposées au machisme. Les militantes de la Leche League pensent que la femme est naturellement mère, c'est donc un retour à une tradition millénaire. Mais les deux mouvements ont fait un bout de chemin ensemble et se sont emparés des théories du «lien» qui donnent aux hormones du maternage un rôle déterminant. Pour eux, l'amour maternel est la conséquence de nos hormones. | | According to you, a "naturalist offensive" is being led by a "holy alliance of the reactionaries". Namely? Environmentalism, La Leche League, naturalist feminism and behavior specialists have started to hang together and support one another. The most interesting to watch is how Leche League activists and essentialist feminists have embraced each other to reaffirm the value of motherhood, and to make it the core of feminine identity. These feminists want to build a gentler society through maternal virtues, with values they oppose to machoism. Leche League activists think that a woman is naturally a mother, thus going back to an age-old tradition. But the two movements have come some way together and have seized on "attachment" theories that give mothering hormones a decisive role. For them, motherly love is the result of our hormones. | Quels sont les signes de la maternité écolo ? Le meilleur exemple est celui des couches jetables. C'est tout à fait révélateur d'un état d'esprit que je redoute. Nathalie Kosciusko-Morizet a proposé une taxe sur les couches jetables, sans se soucier du travail que cela impose aux mères. Et contrairement à ce que pense Cécile Duflot, ce ne sont pas les hommes qui vont se précipiter en rentrant du travail pour aller mettre les couches à la machine. De même, il y a une méfiance vis-à-vis de la péridurale comme si en ôtant la souffrance, elle ôtait la valeur authentique et originelle de la naissance. La pilule est mal vue, car elle contrecarre un processus naturel. De même, il faut donner à l'enfant les fruits de la nature, lui épargner l'artificiel, le chimique, comme le lait artificiel. | | What does environmentalist mothering look like? The best example is disposable diapers. This illustrates exactly the sort of mindset that scares me. Nathalie Kosciusko-Morizet[, French Minister of State for Forward Planning, Assessment of Public Policies and Development of the Digital Economy,] has proposed a tax on disposable diapers, without worrying about the extra work that this will impose on mothers. And contrary to what [French Green Party leader] Cécile Duflot thinks, it won't be men who will hurry home from work to put all the diapers in the washing machine. Likewise, epidural anesthesia has come under suspicion, as if taking away the pain also takes away the act of childbirth's primal and authentic value. Likewise, we have to offer children the fruits of nature, sparing them from all that is artificial or chemical, such as artificial milk. | Pour vous le bébé est devenu «le meilleur allié de la domination masculine». Le pauvre bébé, malgré lui, tient sa mère prisonnière : la mère est au service des besoins de son enfant, elle doit se plier à ses horaires, il trône parfois dans le lit conjugal. C'est la mère la plus impliquée, cela donne au père l'autorisation morale de ne pas s'en mêler. Les hommes n'ont même pas eu à lever le petit doigt. Le bébé est devenu le maître et il justifie l'inégalité du partage parental. L'exclusion des pères est ainsi légitimée, alors que de plus en plus de jeunes pères éprouvent du plaisir à s'occuper de leur bébé. | | According to you, babies have become "the best ally of male domination". Small as they are, babies hold their mothers prisoners: a mother is at the beck and call of her child, she has to accomodate herself to the child's schedule, who sometimes gets to be prince/ss in the conjugal bed. Since the mother is the most implicated in the care of the child, the father is morally excused from not getting involved. Men don't have to lift a finger. The baby has become the master and justifies the unequal sharing of parental responsibilities. The exclusion of the father is thus legitimized, even though more and more young fathers experience pleasure in taking care of their babies. | Je crois que le thermomètre de la domination masculine demeure l'écart de salaire homme-femme. Or il y a une hypocrisie à gémir sur les écarts salariaux et en même temps à détourner les yeux de l'inégalité majeure : celle de la non-répartition des tâches familiales et domestiques, qui continue à occasionner une concurrence déloyale entre homme et femme. Les hommes sont pardonnés par avance de continuer à ne rien faire à la maison. | | I believe the measure of male domination remains the gap between men's and women's incomes. But it's hypocritical to whine about the income gap while simultaneously turning a blind eye to the larger inequality: not splitting family and household chores, which continues to be an area of unfair competition between man and woman. Men are excused in advance from doing nothing at home. | Comment résoudre ce conflit? La majorité des Françaises concilie la maternité et la vie professionnelle, elles sont nombreuses à travailler à temps plein quand elles ont un enfant. Elles résistent au modèle de mère parfaite, mais pour combien de temps ? D'autant qu'on assiste à un règlement de comptes entre générations. Certaines filles disent à leurs mères : «Je ne serai pas comme toi à courir entre le travail et les enfants, toujours pressée, et stressée, heurtée au plafond de verre». J'ai l'impression qu'aujourd'hui, on est peut-être à un tournant. | | How can this conflict be resolved? The majority of French women are able to combine being a mother with a professional life; there are many of them who work full-time when they have a child. They still resist the model of the perfect mother -- but for how long? Especially as witness a reckoning between generations. Some girls tell their mothers: "I won't be like you running around between work and children, always hurried, and stressed, blocked by a glass ceiling." I have the impression that today we are at a turning point. | (1) La Leche League (ligue du lait en français) est une association fondée il y a plus de cinquante ans par des mères de famille de la banlieue de Chicago (Etats-Unis) désireuses de faire partager leur expérience positive de l'allaitement. Présente en France depuis 1979 , elle informe et soutient les allaitantes. | | (1) La Leche League (The Milk League, in English) is an organization founded fifty years ago by mothers of families in the suburbs of Chicago (United States) who wanted to share their positive breast-feeding experiences. Active in France since 1979, the orgnanization offers information and support to nursing mothers. |
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